PÉDOLOGIE

PÉDOLOGIE
PÉDOLOGIE

La pédologie est définie essentiellement par son objet: c’est la science des sols, de même que la géologie est la science des roches constituant la croûte terrestre et la biologie la science des êtres vivants. C’est l’étude des propriétés et du fonctionnement des sols et de leur répartition dans l’espace.

Née officiellement en 1883 en Russie, la pédologie n’a véritablement été introduite en France qu’en 1934 par A. Demolon, de retour d’un congrès à Leningrad. De par ses racines historiques, elle a été longtemps considérée comme une branche de la géologie et limitée à l’étude de la formation et de l’évolution des sols (pédogenèse ). Elle a eu du mal à trouver sa place face à la chimie agricole et à l’agronomie et à prendre sa pleine indépendance vis-à-vis des taxinomies cladistiques de la biologie.

Depuis une trentaine d’années, de nombreuses études sur le terrain et au laboratoire ont été effectuées dans le monde comme dans notre pays. Grâce à l’impulsion de quelques grands chercheurs, nos conceptions ont pu progressivement se moderniser et s’affiner. La pédologie est devenue une science à part entière, avec son corpus de concepts et de techniques spécifiques, même s’il est toujours fait appel à d’autres sciences comme la géochimie, la minéralogie, la physique, etc.

Les conceptions les plus modernes partent du constat que les véritables objets d’étude de la pédologie sont les couvertures pédologiques , formations naturelles, continues et tridimensionnelles, et que ces volumes complexes mais structurés doivent être découpés en sous-ensembles pour pouvoir être étudiés, échantillonnés, modélisés.

Nouveaux concepts

Depuis sa reconnaissance initiale par V. Dokoutchaïev en 1883, l’objet étudié par la pédologie a été nommé sol . Pendant longtemps, l’étude (indispensable) de fosses a donné lieu, par assimilation aux principes des classifications biologiques, à une ambiguïté jamais totalement levée quant à la nature exacte de l’objet étudié puis classé. On a longtemps étudié exclusivement et classé des «profils» considérés comme de véritables individus appartenant à des catégories naturelles. Plus tard (1960), l’école américaine introduisit la notion de pedon : volume minimal pour l’observation et l’échantillonnage.

Puis l’idée de couvertures pédologiques, née et développée initialement en U.R.S.S. (V. M. Fridland), s’est imposée petit à petit en France, à partir des années 1970, sous l’impulsion féconde de J. Boulaine, A. Ruellan, R. Boulet et bien d’autres. Pour bien exprimer des concepts nouveaux, mieux valait employer une terminologie nouvelle.

En même temps, J. Boulaine a justement insisté sur la distinction claire qu’il convenait de faire entre le domaine du réel, le domaine des images que nous nous forgions de ce réel et le domaine des concepts. D’où la disjonction nécessaire entre le domaine de la taxonomie (domaine typologique) et celui de la cartographie (domaine spatial). De ces réflexions résultèrent des attitudes nouvelles vis-à-vis des problèmes de taxonomie pédologique, et un rôle majeur fut désormais dévolu aux horizons, considérés à la fois comme des volumes réels et des unités élémentaires d’échantillonnage et de modélisation (cf. figure).

Les couvertures pédologiques

Les couvertures pédologiques (C.P.) sont des formations naturelles dont l’existence et l’état actuel résultent de l’évolution au cours du temps de la partie la plus superficielle de la lithosphère (les roches) sous l’action combinée de facteurs climatiques ou physiques (températures, précipitations, gravité) et de l’activité biologique au sens large (végétaux, animaux, micro-organismes).

On peut reconnaître avec certitude que l’on se trouve en présence de ces objets «pédologiques» (sols) et non plus en présence de roches (non sols) à un certain nombre de caractères spécifiques non exclusifs:

– une structure (organisation) particulière qui n’est pas celle de la roche d’origine;

– des transformations chimiques de certains minéraux hérités (altération);

– l’apparition de nouvelles espèces minérales (néogenèses);

– la présence d’organismes vivants (micro-organismes, macrofaune et organes hypogés des plantes supérieures). Cette présence est rendue possible par l’abondance relative d’oxygène gazeux provenant de l’atmosphère. Ce milieu que nous évoquons est donc un écosystème terrestre.

Les C.P. sont des volumes très minces (presque toujours moins de 2 m sous nos climats) et le plus souvent à très grande extension latérale (dizaines de km). Elles sont circonscrites latéralement par des limites naturelles: coulées de laves ou cendres volcaniques récentes, rivières, lacs, mers, glaciers, rebords de falaises, etc. Il existe aussi des limites d’origine humaine plus ou moins nettes: bord de carrières, routes, terrassements, zones urbanisées.

Les C.P. sont des continuums variant dans les trois dimensions de l’espace. En effet, à l’intérieur de ses limites, chaque C.P. n’est pas homogène. Selon l’axe vertical existent toutes sortes de gradients (matières organiques, taux et nature des argiles, calcaire, agrégation et porosité), indépendants ou corrélés entre eux, qui se combinent ou s’entrecroisent. Le constat de cette anisotropie verticale est à l’origine du concept d’horizon (cf. infra ).

Si l’on se déplace d’un point à un autre, selon les deux autres dimensions de l’espace, on observe l’hétérogénéité latérale des C.P. Les changements sont plus ou moins progressifs, plus ou moins contrastés, ils affectent un seul caractère ou plusieurs à la fois, ils sont plus ou moins faciles à observer ou à quantifier. Ces changements s’opèrent parfois en quelques mètres, ou bien à l’échelle du kilomètre. D’où la difficulté de découper ce continuum variant en sous-ensembles spatiaux (cf. infra , Analyse spatiale des couvertures pédologiques ).

Comme elles sont traversées par des flux et que des transferts de matières s’opèrent en leur sein, verticalement et latéralement, les C.P. ont tendance à se différencier progressivement dans les trois dimensions. Mais elles ne se déplacent pas, et sont donc strictement localisées à un certain territoire. Leur aspect et leurs propriétés en chaque point de l’espace sont la résultante de l’action des facteurs extérieurs de leur genèse, mais aussi de leur auto-évolution pédologique. À l’action des processus naturels s’ajoutent les effets des interventions humaines. Chaque secteur d’une couverture pédologique a donc son histoire spécifique qui est la cause de la grande variabilité verticale et latérale que nous constatons aujourd’hui.

Est nommé solum le volume réel effectivement observé dans une fosse, appréhendé à la main ou à l’aide d’un couteau, éventuellement décrit et échantillonné. Ce vocable remplace désormais le mot «profil» anciennement utilisé.

Les C.P. sont des continuums hétérogènes, mais les variations que l’on y observe ne sont pas aléatoires. Selon les techniques employées et les volumes observés, on peut y distinguer plusieurs niveaux d’organisation (cf. infra , Caractérisation des couvertures pédologiques ).

À la différence des sciences biologiques, en pédologie il n’existe ni espèces ni individus. En effet, l’espèce merle (Turdus merula ) prise à titre d’exemple, peut être étudiée au laboratoire, du moins en ce qui concerne son anatomie et sa physiologie. Et tous les individus merles de notre planète sont bien distincts et présentent un cortège tellement constant de caractères que dans chaque pays on s’accorde à les reconnaître comme merles. Il n’en va pas de même en pédologie où les «types de sols» varient à l’infini dans le détail et où morphologies et fonctionnements (qui correspondent aux notions d’anatomie et de physiologie) ne peuvent être étudiés convenablement que in situ. En effet, il est possible de prélever des échantillons mais, extraits de leur contexte, ces prélèvements ne fournissent que des informations incomplètes.

Notion d’horizon

En chaque point de l’espace géographique, les C.P. montrent en général des différenciations selon un axe vertical. De là est née, très anciennement, la notion d’horizon.

Les horizons résultent de la subdivision d’une C.P. en volumes considérés comme suffisamment homogènes. Il est clair que cette homogénéité est relative et correspond à une certaine échelle d’investigation. Elle autorise explicitement une hétérogénéité dans le détail: agrégats distincts, différents constituants formant le fond matriciel et les traits pédologiques (cf. infra , Caractérisation des couvertures pédologiques ).

Par leur dimension verticale centimétrique à métrique, les horizons sont directement perceptibles à l’œil nu sur le terrain. Le prélèvement d’échantillons est possible, à la main. C’est pourquoi le référentiel pédologique considère les horizons comme les entités de base permettant d’identifier, de caractériser et de définir une C.P.

Chaque horizon est un volume. On doit définir son contenu (constituants, organisations, caractères, propriétés et données analytiques) mais aussi son contenant par la description de ses limites, de son enveloppe. Sa dimension verticale la plus petite est au moins centimétrique et souvent décimétrique, voire métrique. Ses dimensions latérales sont au moins décimétriques et le plus souvent hectométriques ou kilométriques. Un horizon n’est pas infini: il disparaît latéralement ou se transforme en un autre horizon. Son extension spatiale est délimitable.

Les limites supérieures et inférieures d’un horizon sont généralement conformes à la surface du terrain. Mais un horizon peut aussi se présenter sous la forme de lentilles ou de langues, il peut même être entièrement inclus dans un autre horizon. Les transitions entre horizons peuvent être nettes ou plus ou moins progressives. Chaque horizon est presque toujours associé géométriquement à d’autres horizons et lié à eux par des relations étroites, relations pédogénétiques (évolutions longues) et relations fonctionnelles (dynamique journalière ou saisonnière), d’une grande importance pratique.

La position d’un horizon par rapport à l’interface sol/atmosphère est une caractéristique essentielle. Elle conditionne en effet l’apport de matières organiques, l’importance des flux thermiques ou hydriques qui l’atteignent ou le traversent, la masse des horizons sus-jacents qui pèsent sur lui, la pénétration par les racines et les animaux, etc., toutes conditions qui règlent son évolution et ses fonctionnements.

Le continuum typologique

Si l’on observe une C.P. en deux points relativement éloignés, on a toutes chances d’observer deux types de sols différents, soit X et Y. En des emplacements intermédiaires, il arrive souvent que l’on observe des solums intermédiaires, hybrides, beaucoup moins typés que ne le sont X et Y. L’existence d’un continuum typologique est la conséquence de la réalité du continuum spatial.

Si l’on abandonne toute référence spatiale, et si l’on prend en compte tous les caractères de tous les horizons et également leurs caractères relationnels (épaisseur, forme des limites, transitions), il est certain que dans une population de très nombreux solums étudiés il n’y en a jamais deux absolument identiques. Il faut cependant opérer des regroupements par degré de ressemblance. Le pédologue est donc obligé de définir lui-même des catégories que la nature ne lui fournit pas. La subdivision du continuum typologique conduit à définir des types ou unités typologiques (cf. infra , Typologie des sols ), de même que la subdivision du continuum spatial conduit à définir des volumes pédologiques: les horizons et les unités cartographiques (cf. infra , Analyse spatiale des couvertures pédologiques ).

Nous pouvons donc conclure ce chapitre en proposant une nouvelle définition de la pédologie. C’est l’étude des structures, des propriétés et des fonctionnements des couvertures pédologiques et de leurs variations spatiales et temporelles. On distinguera deux domaines. D’abord le recueil des données par des observations, des dosages et des mesures (constituants, organisations, fonctionnements). Puis le traitement et l’interprétation de ces données en ce qui concerne les mécanismes élémentaires, l’évolution à long terme (pédogenèse), les propriétés agronomiques, sylvicoles ou géotechniques, l’organisation spatiale tridimensionnelle, les typologies ou les taxonomies , etc.

Dans la suite de ce texte nous continuerons à employer les mots sol et sols soit avec le sens d’un morceau de C.P. correspondant à un certain territoire (les sols de Champagne crayeuse, les sols de cette parcelle), soit avec la signification de catégories conceptuelles (les sols podzolisés, les sols sableux).

Facteurs de la formation des sols

Matériaux originels

Les matériaux au sein desquels se développent les sols sont soit les produits de l’altération des roches restées en place, soit des matériaux résultant de transports hydriques ou éoliens.

Les roches dures ou meubles représentent la diversité même des formations magmatiques, métamorphiques ou sédimentaires. La plus ou moins grande dureté, la nature et les modes d’arrangement des minéraux constitutifs, la densité et l’orientation des diaclases ou des joints de stratification sont autant de caractères qui vont orienter la forme et l’intensité des altérations:

– simple désagrégation physique d’un grès quartzeux en sable;

– transformation d’un granite en arène où l’argilisation des micas et feldspaths est la cause première de sa désagrégation;

– dissolution des roches calcaires, libérant des fractions argileuses, voire des silex qu’elles renfermaient dans leur masse, avec accumulation en surface de ce résidu minéral.

Les matériaux résultant de remaniements ou de transport par l’eau ont subi pendant leur transport des actions de tri, d’usure mécanique, de mélange ou de stratification qui en expliquent la grande diversité. Leur mise en place date essentiellement de l’époque glaciaire et s’est poursuivie ensuite jusqu’à nos jours, mais avec une moindre importance. Les alluvions des rivières ont pu être transportées sur de grandes distances. De ce fait, leur composition peut être totalement indépendante des formations géologiques riveraines. Les colluvions résultent de déplacements sur les versants et présentent une composition en liaison très étroite avec les formations locales.

En France, beaucoup de ces remaniements datent du Quaternaire et se sont produits sous climat périglaciaire. Les ruissellements érosifs sont postglaciaires; ils ont connu un regain lors des grandes phases historiques de défrichement et, plus récemment, avec l’éradication des haies ou talus et l’agrandissement des parcelles agricoles.

Les formations limoneuses loessiques d’origine éolienne ont recouvert de vastes portions de notre territoire au Quaternaire. Les sols qui se sont formés présentent des caractères originaux communs à tout le nord de l’Europe. Cependant, des différences se marquent selon la provenance géographique de ces limons, leur ancienneté, le caractère plus ou moins perméable des formations géologiques qu’ils recouvrent; différences qui dessinent aujourd’hui les contours de vastes terroirs, tels le Soissonnais, la Brie ou le fossé rhénan.

Climat

Le climat est un facteur primordial de la pédogenèse. La température intervient dans les processus physico-chimiques de l’altération et commande également la vitesse de décomposition des matières organiques. Sous des climats chauds, les altérations sont intenses et la matière organique est vite minéralisée. Sous climat boréal ou en hautes altitudes, les altérations sont modestes et la matière organique se décompose mal. En climat humide, la pluviosité occasionne un appauvrissement progressif des sols. Celui-ci prend deux aspects: la solubilisation et le départ des éléments chimiques, et la mise en suspension de particules argileuses et leur déplacement au sein des couvertures pédologiques. La conséquence en est une acidification progressive et un appauvrissement en certains constituants des horizons supérieurs. Une partie des éléments entraînés peut reprécipiter à faible profondeur, dans les horizons plus profonds; une autre partie peut être redistribuée à longues distances et rejoint les cours d’eau, puis la mer, pour autant que les débits soient suffisants. Sinon, et c’est le cas en climat semi-aride, ces éléments reprécipitent après un court transport dans les points bas.

L’intensité de ces phénomènes ne dépend pas de la quantité totale des pluies mais surtout du bilan saisonnier entre les précipitations d’une part, l’évaporation et la consommation d’eau du couvert végétal d’autre part.

L’interprétation des propriétés des sols dans une région donnée implique donc de connaître non seulement les conditions climatiques actuelles de cette région mais aussi les tendances climatiques anciennes qui ont précédé, notamment celles qui ont prévalu depuis le Pliocène et durant tout le Quaternaire.

Relief. Géomorphologie

Si l’on met à part les effets de la tectonique, c’est par le jeu des altérations et érosions différentielles, correspondant aux processus géomorphologiques, que se sont mis en place les grandes formes du relief et les types de modelé. La pédogenèse prend le relais dans ce façonnement du paysage. De nombreuses caractéristiques des sols sont précisément en relation avec leur position topographique: leur régime hydrique, leur chimisme, voire un microclimat. En retour, la pédogenèse met en jeu des transferts de particules et d’éléments chimiques, soit verticalement, soit transversalement en fonction du modelé et des niveaux d’imperméabilité que peut opposer le substrat géologique et le sol lui-même aux infiltrations.

Sont déterminants également les pratiques de l’homme et les aménagements qu’il a pu apporter au cours des temps pour modifier le paysage ou s’y adapter, par exemple la création de terrassettes, le dessin du parcellaire, l’implantation de haies. Entre ce paysage et l’homme, un équilibre s’instaure qui se traduit dans la physionomie du site et qui sera remis en cause à chaque fois que l’on voudra modifier l’usage de l’espace.

Régimes hydriques

L’économie en eau de chaque sol est définie d’une part par la réserve qu’il est susceptible d’accumuler, d’autre part par les possibilités d’évacuation de l’eau, soit par évapotranspiration, soit par infiltration en profondeur, soit par écoulement latéral sous forme de transfert hypodermique ou de ruissellement en surface. Cette économie en eau est donc sous la dépendance de nombreux facteurs, dont les plus importants sont le climat, le relief et le type de matériau.

Le climat règle l’économie hydrique par son régime pluviométrique et celui de l’évapotranspiration. L’infiltration est contrôlée par la couche offrant la perméabilité la plus faible. Si une telle couche existe au sein même du sol, l’eau d’infiltration tend à s’accumuler saisonnièrement au-dessus de ce plancher imperméable; on parle couramment de nappe perchée .

Ce cas de figure n’est cependant possible que dans des paysages de plaine. Dans des situations en pente, l’eau circule latéralement au-dessus du plancher imperméable, parfois à faible profondeur. On parle alors d’écoulement hypodermique. Certains sols dits battants peuvent devenir imperméables dès leur surface sous l’effet dégradant des pluies. L’eau s’écoule alors par ruissellement au fil de la pente et peut engendrer une érosion.

Le sol peut être affecté par une nappe phréatique sur tout ou partie de sa profondeur, notamment dans les fonds de vallées où les alluvions constituent très généralement des aquifères importants. Il s’agit d’une nappe à caractère semi-permanent, dont les battements sont soumis essentiellement au rythme des saisons.

Un engorgement prolongé de la porosité du sol induit un déficit en oxygène, et donc une ambiance réductrice. La conséquence la plus visible en est la réduction du fer sous sa forme ferreuse, qui se signale par des teintes gris verdâtre ou gris bleuté. En outre, cette forme ferreuse est mobile, parce que soluble, et peut donc migrer avec l’eau. En phase de ressuyage, certains volumes du sol s’assèchent plus rapidement et engendrent, par oxydation, des précipitations de fer sous sa forme ferrique de couleur rouille. Il en résulte que les horizons soumis à de telles alternances de conditions réductrices et oxydantes, notamment la zone de battement d’une nappe, présentent le plus souvent une marqueterie de taches grises et rouille (horizons rédoxiques – anciennement horizon de pseudogley ). Le terme d’horizons réductiques (anciennement gley ) est réservé aux horizons soumis en quasi-permanence à un excès d’eau et qui présentent de ce fait une teinte uniformément gris bleuâtre.

Végétation

L’influence des différentes formations végétales s’exerce principalement par l’action de divers types d’enracinement, ainsi que par l’apport de résidus végétaux de composition variée. Sous climats tempérés, les débris végétaux retournent annuellement au sol. Ils s’y décomposent et se transforment plus ou moins vite en humus selon leur nature et les conditions offertes aux activités biologiques, qui sont les agents essentiels du processus dit de l’humification .

Le climat commande bien entendu la nature des associations végétales. Il s’établit une zonation à l’échelle du globe en fonction de la latitude (forêt équatoriale, savane, taïga) et d’un effet régional plus ou moins marqué de continentalité ou d’influences océaniques. Dans les zones montagneuses, c’est l’altitude qui commande l’étagement de la végétation en forêt feuillue, forêt mixte, forêt de résineux, et alpages.

À l’échelle locale, l’exposition, la nature des matériaux originels peuvent privilégier ou au contraire interdire certaines espèces à l’intérieur de l’association végétale en équilibre avec le climat général de la région. On parle d’espèces calcicoles, acidiphiles, également d’espèces de stations fraîches ou humides, qui reflètent des exigences différentes en termes de besoins en eau, de susceptibilité à une toxicité ou de microclimat.

Facteur temps

La durée pendant laquelle s’est exercée l’influence des différents facteurs de la pédogenèse est très variable. Les altérations notamment peuvent être très anciennes, mais on peut considérer, tout au moins sous nos climats, que la pédogenèse n’a pu réellement s’exprimer que postérieurement à la dernière grande phase glaciaire, soit il y a quelque 10 000 ans, avec l’apparition progressive d’un couvert végétal.

Sous climat tropical, les durées des altérations se comptent souvent en millions d’années. Le facteur temps s’est manifesté également par l’alternance de périodes pluviales et interpluviales provoquant une altération très profonde des matériaux originels.

En France, les sols les plus anciens et les plus différenciés sont hérités des altérations de la fin de l’ère tertiaire. Ils n’ont été conservés que sur de vieilles surfaces épargnées par l’érosion. Les sols développés sur les grandes terrasses alluviales des couloirs fluviaux sont déjà moins anciens. Ils présentent cependant des caractères d’évolution évidents, notamment un appauvrissement de leur partie supérieure. Les sols les plus jeunes sont développés sur les alluvions et colluvions récentes et ne présentent tout au plus qu’un léger appauvrissement et un début de structuration.

La mise en valeur agricole est la dernière grande rupture: les grands défrichements et les érosions qu’ils ont générées, l’assainissement des zones humides, l’utilisation des engrais, amendements et pesticides qui modifient profondément le chimisme et l’activité biologique des sols.

Pédogenèse et morphogenèse

Pour que les couvertures pédologiques puissent se former et s’épaissir, il faut qu’une certaine stabilité de la zone du globe où elles se situent permette le développement et le maintien d’une végétation et l’action prolongée des facteurs de la pédogenèse. Selon la terminologie introduite par Erhart, il s’agit dans ce cas d’une période de biostasie , à laquelle peut succéder, au bout d’un temps plus ou moins long, une période de rhexistasie pendant laquelle les modifications mécaniques de la croûte terrestre – soulèvements tectoniques, grandes phases d’érosion – deviennent prépondérantes, limitant l’action des processus de la pédogenèse et activant au contraire ceux de la morphogenèse, c’est-à-dire la dégradation de surface, le ruissellement, l’érosion, les ravinements, les colluvionnements et les alluvionnements. Une couverture végétale suffisamment dense permet aux processus de pédogenèse de s’intensifier; son absence, en revanche, laisse le champ libre aux processus d’érosion. Le passage d’un type d’évolution à l’autre peut correspondre, dans le temps ou dans l’espace, à des changements climatiques importants, tels que les successions de périodes glaciaires et interglaciaires, ou pluviales et interpluviales.

Les processus de morphogenèse et pédogenèse sont influencés par les mêmes facteurs (climat, végétation, roche mère, temps, homme), de sorte qu’ils interfèrent constamment; l’évolution d’un sol et d’une forme de relief sont indissociables car ils résultent tous deux d’une infinité d’interactions s’exerçant simultanément ou de façon concurrentielle dans le temps et dans l’espace. C’est sous cet aspect dynamique que réside l’intérêt de l’étude des rapports entre géomorphologie et pédologie et du bilan morphogenèse-pédogenèse (Tricart).

Lorsque ce bilan est en faveur de la pédogenèse, il y a approfondissement des sols; les actions de morphogenèse (décapages, transits, accumulations) sont faibles et assez lentes, le milieu physique est relativement stable. En zones instables, en revanche, les processus de morphogenèse l’emportent et ont tendance à détruire les horizons superficiels et parfois même profonds des sols. Le milieu physique se dégrade. Entre des milieux stables depuis longtemps et des milieux fortement instables, il existe des intermédiaires. Certains d’entre eux d’ailleurs peuvent être dans les situations les plus dangereuses car les phénomènes de dégradation peuvent être peu perceptibles et leurs actions passer inaperçues.

Caractérisation des couvertures pédologiques

En zones cultivées, un observateur ne voit que la partie la plus superficielle des sols. Sous forêts et végétations naturelles, il ne voit rien directement. Pour étudier les C.P., il est donc indispensable de creuser des tranchées ou des fosses, de les décrire, puis de prélever des échantillons pour analyses et examens complémentaires. Ces points d’observation et de prélèvement doivent être judicieusement localisés en fonction d’une analyse préalable du paysage mais aussi en tenant compte des informations acquises progressivement. On accède ainsi à une reconnaissance ponctuelle de la nature d’une C.P. en un point de coordonnées géographiques x , y , z , au moment t . Mais se pose le problème de la représentativité de cette observation ponctuelle par rapport au territoire étudié.

La caractérisation des couvertures pédologiques implique trois grandes catégories d’investigations. Il est d’une part nécessaire d’identifier les constituants et donc de pratiquer des analyses . Cela implique d’abord de détruire les organisations initiales, de séparer les particules et de réaliser ensuite des études chimique, physique, granulométrique ou minéralogique de ces particules isolées. Dans le cas de l’analyse chimique élémentaire, on pratique même une dissolution totale.

En outre, il faut savoir comment ces constituants sont associés selon différentes organisations . Cette connaissance de l’arrangement réciproque, à différentes échelles, des constituants de la phase solide permet d’atteindre également les caractéristiques de la porosité (dimensions, origine, accessibilité pour l’eau des diverses catégories de vides). On en arrive ainsi à une véritable histologie des horizons.

Mais cette vision demeure statique. Or les C.P. connaissent, au cours du temps, des transformations cycliques, réversibles ou irréversibles. Les différentes organisations et certains caractères évoluent avec des durées et selon des périodicités diverses: journalières, saisonnières ou annuelles. Il en va ainsi de la porosité dont le volume peut varier grandement et rapidement et qui se trouve plus ou moins remplie par de l’eau. D’où l’importance de comprendre comment les organisations se modifient au cours du temps. Cette compréhension des fonctionnements des couvertures pédologiques est utile pour reconstituer le passé (pédogenèse), mais elle est surtout indispensable pour prévoir le comportement des sols en réaction à une utilisation ou à un aménagement envisagés.

Certains phénomènes peuvent être étudiés au laboratoire dans des conditions plus confortables et mieux contrôlées (par exemple, le potentiel de gonflement d’un agrégat en fonction de sa teneur en eau), mais l’étude d’un échantillon sorti de son contexte ne fournit pas la connaissance du fonctionnement exact en place. Il est très difficile d’étudier un phénomène in situ sans le perturber. C’est seulement récemment, grâce à des progrès technologiques impressionnants, que de telles études sont devenues possibles quoique encore très contraignantes.

Les constituants

Les principaux constituants solides sont:

– les minéraux primaires (minéraux hérités du matériau originel, tels que silicates, carbonates, minéraux argileux);

– les minéraux secondaires (argiles de néoformation; oxy-hydroxydes de fer; complexes organo-minéraux; sels provenant de redistributions, tels que calcite, gypse, chlorures);

– les matières organiques .

Plus difficiles à étudier, mais d’un grand intérêt pratique, sont aussi:

– les cations et anions échangeables fixés de manière réversible sur les surfaces des minéraux argileux ou réagissant avec certains radicaux des molécules organiques;

– la composition de la solution du sol et celle des gaz qu’il contient;

– sans oublier ses habitants (micro, méso et macrofaunes, systèmes racinaires des plantes).

Les techniques de séparation sont diverses (granulométriques, magnétiques, densimétriques). Il en est de même des techniques de reconnaissance: identification directe à la loupe ou au microscope, dosages chimiques, reconstitutions minéralogiques, diffractométrie X, analyses thermo-pondérales et thermiques différentielles, propriétés optiques, densité, etc.

Différents niveaux d’organisation

Selon les techniques employées et les volumes observés, on peut distinguer, au sein d’une couverture pédologique, plusieurs niveaux d’organisation emboîtés (cf. tableau).

Étant donné les dimensions des particules en cause (de 2 à 20 猪m pour la fraction des limons; moins de 2 猪m pour les fractions «argile»), les assemblages des différents constituants élémentaires ne peuvent pas être étudiés sans faire appel à diverses techniques microscopiques. En général, un seul assemblage existe au sein d’un agrégat, mais plusieurs peuvent coexister.

Les agrégats ne sont pas des particules élémentaires mais des agglomérats de particules dont la cohésion interne est assurée par différents ciments (argiles, oxydes de fer, matières organiques, eau). La structure d’un horizon est la façon selon laquelle s’arrangent naturellement et durablement les constituants en formant des volumes élémentaires macroscopiques appelés agrégats (ou peds ou éléments structuraux ). C’est la façon selon laquelle il se subdivise et s’organise en agrégats.

Les horizons résultent de la subdivision d’une couverture pédologique en volumes considérés comme suffisamment homogènes (cf. supra ). Il est clair que cette homogénéité correspond à une certaine échelle d’investigation, celle de l’œil humain. Elle autorise explicitement une hétérogénéité dans le détail: un motif général (fond matriciel ou masse basale ) sur lequel contrastent les traits pédologiques , tels que taches, revêtements argileux, concrétions ferro-manganiques, amas calcitiques, etc.

Le solum est une tranche verticale d’une couverture pédologique observable dans une fosse ou une tranchée. Ses dimensions horizontales sont décimétriques: quelques décimètres de largeur et quelques centimètres d’épaisseur pour l’exploration et la description des caractères. Sa dimension verticale varie de quelques centimètres à plusieurs mètres.

Les systèmes pédologiques sont de grands fragments de couvertures pédologiques au sein desquels on peut distinguer différents horizons organisés en superpositions verticales et en successions latérales, à l’échelle d’une unité de modelé géomorphologique. Un système pédologique se décrit donc en termes d’horizons et de relations entre horizons.

Études macromorphologiques

Quoique essentiellement qualitative, la description des solums est tout à fait fondamentale. En effet, il n’est pas raisonnable de réaliser des analyses et d’envisager des examens ou mesures complémentaires sur échantillons sans être capable de resituer ces travaux par rapport à un solum convenablement décrit. En effet, d’une part, une bonne observation est indispensable pour percevoir certains caractères essentiels qu’il n’est pas possible d’appréhender par d’autres moyens (succession et épaisseurs des horizons, formes et netteté de leurs limites, formes et dimensions des agrégats, qualité de l’enracinement, signes d’hydromorphie, excès d’eau localisés, etc.). D’autre part, cette étude anatomique détaillée permet de recueillir nombre d’indices qui, sans même l’appoint de techniques supplémentaires, peuvent permettre de porter des diagnostics pédogénétiques ou appliqués du plus grand intérêt.

Plusieurs rubriques peuvent être décrites pour chaque horizon: profondeurs en centimètres des limites supérieures et inférieures, état d’humidité, couleurs, taches et signes d’hydromorphie, nature, dimensions et abondance des éléments grossiers, texture, structure (forme, netteté et dimensions des agrégats), aspect des faces d’agrégats, localisation et nature des traits pédologiques, aspects de la macroporosité, propriétés mécaniques, enracinement, matière organique, traces d’activités biologiques et humaines. En outre, quelques mesures et tests complémentaires peuvent être réalisés in situ (test d’effervescence à HCl pour détecter la présence du CaC3; mesure du pH; test au fluorure de sodium pour déceler la présence de composés amorphes aluminiques; coloration du fer ferreux).

Plusieurs rubriques peuvent être décrites pour l’ensemble du solum: environnement de la fosse (végétation et utilisation agricole, position topographique, aspect de la surface); «forme d’humus» (sous forêt), eau libre directement observable, nature et état de la roche sous-jacente.

Études micromorphologiques

Après imprégnation de petits volumes non perturbés par des résines synthétiques fluides que l’on fait durcir ensuite, il est possible de fabriquer des lames de 20 猪m d’épaisseur seulement. À travers ces lames minces , des observations sont menées à la loupe binoculaire et au microscope optique à des grossissements de 10 à 500 fois. L’utilisation de la lumière polarisée et de pigments fluorescents activés par des rayonnements U.V. fournit des possibilités supplémentaires. La micromorphologie sur lames minces autorise l’observation en coupe des particules les plus grosses (forme et nature minéralogique des sables et limons grossiers), des divers traits pédologiques et de la porosité plus grande que 20 猪m.

La technique du microscope électronique à balayage (M.E.B.) permet d’observer de petits échantillons avec des grossissements allant couramment de 1 000 à 30 000. Il s’agit d’électrons réfléchis sur la surface d’échantillons bruts préalablement métallisés. On peut aussi analyser les électrons rétro-diffusés sur des surfaces polies artificiellement. Le M.E.B. est une technique assez facile à mettre en œuvre grâce à laquelle on observe l’arrangement interne des agglomérats d’argile et la forme des cristallites, mais aussi la morphologie des cristallisations d’oxydes de fer ou de calcite, ou bien encore les formes de corrosion de grains de quartz.

L’emploi du microscope électronique à transmission (M.E.T.) nécessite d’abord la réalisation de lames ultraminces de 10 à 15 nanomètres, qui sont très difficiles à fabriquer étant donné la dureté et l’hétérogénéité des matériaux pédologiques. C’est pourquoi le M.E.T. est plus souvent employé pour observer des suspensions et y déterminer la nature minéralogique des particules argileuses.

Certaines observations qualitatives peuvent être complétées grâce à l’emploi de dispositifs de micro-analyse élémentaire. Une microsonde couplée à un M.E.B. permet, par exemple, de doser les éléments de numéro atomique supérieur à 11 sur quelques micromètres carrés. Enfin, le développement des logiciels d’analyse d’images obtenues au M.E.B. sur des surfaces polies ouvre la voie à des quantifications.

Études analytiques

L’analyse granulométrique consiste en deux opérations successives. La première (dispersion) a pour but de supprimer l’action des ciments qui assure l’agglomération des particules constitutives. La seconde quantifie les proportions de particules classées selon cinq fractions granulométriques (ou plus): fraction argile 麗 2 猪m; fraction limons fins comprise entre 2 et 20 猪m; fraction limons grossiers comprise entre 20 et 50 猪m; fractions sables fins comprise entre 50 et 200 猪m; fraction sables grossiers comprise entre 200 et 2 000 猪m, soit de 0,2 à 2 mm.

Quoique encore le plus souvent réalisée avec des méthodes anciennes (sédimentation), l’analyse granulométrique apporte des informations primordiales. En effet, la plus grande part des propriétés d’un horizon est fortement correlée avec sa teneur en argile, qu’il s’agisse de propriétés d’échange (capacité d’échange cationique), de propriétés mécaniques comme la plasticité ou de propriétés hydriques (rétention en eau).

Les analyses chimiques peuvent être grossièrement classées en deux catégories. Il y a les analyses élémentaires totales qui, après mise en solution par des acides forts capables de dissoudre les silicates, consistent à doser la totalité d’un élément quelle que soit sa forme. Et il y a celles qui s’efforcent de mettre en évidence seulement certaines formes dites, selon les cas, échangeables, «libres», «actives», extractibles, «assimilables», biodisponibles, etc. Pour l’analyste, la difficulté est de mettre au point des méthodes d’extraction ménagées, capables d’extraire seulement la ou les formes recherchées, et adaptées à une gamme de sols le plus vaste possible.

À partir des données chimiques et avec l’aide d’autres méthodes qualitatives ou quantitatives telles que la diffractométrie X, l’analyse thermo-pondérale, l’analyse thermique différentielle, et grâce à des logiciels de plus en plus performants, il est possible de reconstituer la composition minéralogique des constituants et d’estimer au moins semi-quantitativement les proportions de quartz, illite, glauconite, kaolinite, goethite, etc.

Propriétés et fonctionnements

Indépendamment des données analytiques traditionnelles (physiques, chimiques, minéralogiques) obtenues sur échantillons perturbés ou non, de nouvelles orientations de recherche ont vu le jour et se développent actuellement. En effet, les déductions tirées au cours des interprétations de ces données reposent sur un certain nombre d’hypothèses relatives aux processus qui sont intervenus ou aux possibilités d’évolution future. Seules des expérimentations complémentaires doivent permettre d’en assurer l’exactitude.

Des recherches en pédologie expérimentale ont depuis très longtemps été effectuées en laboratoire: sur l’altération des minéraux et des roches (Pedro, Robert), sur la migration des oxydes ou des argiles, sur l’évolution de la matière organique. Une des principales orientations actuelles est l’étude des relations entre constitution et propriétés des horizons pédologiques. Les approches spécifiques comportent deux aspects complémentaires qui privilégient tous deux l’horizon en tant que volume élémentaire de la couverture pédologique: le premier considère l’horizon comme un matériau que l’on extrait et dont on étudie la constitution (nature et mode d’assemblage des constituants) et les propriétés (propriétés hydriques, mécaniques et thermiques), le second considère l’horizon comme un élément d’un système ordonné dont on étudie non seulement la structure (relations géométriques entre les volumes élémentaires), mais aussi les relations fonctionnelles (contrôle des flux aux interfaces).

Des études récentes ont porté sur l’analyse des constituants minéraux et le mode d’assemblage de la phase argileuse avec le squelette (géométrie de l’assemblage et de la porosité). Ces recherches sur le comportement ont eu pour souci majeur de contribuer à l’élaboration d’outils faisant appel à des caractéristiques aisément accessibles. Au cours des études conduites sur les propriétés de rétention en eau, la teneur en argile et son degré de division se sont révélés être des caractéristiques essentielles pour expliquer ces propriétés.

Les travaux concernant l’horizon en tant qu’élément d’un système ordonné sont menés sur le terrain. Ils représentent un investissement lourd en matériel et en moyens humains, mais ils constituent un maillon essentiel lorsqu’on veut passer des études au laboratoire aux fonctionnements d’une C.P. prise dans sa globalité à la fois spatiale et temporelle. L’objectif est de déterminer ses organisations spatiales et le rôle joué par ces organisations sur son fonctionnement en tant qu’écosystème ou agrosystème, en interaction avec les autres composants du milieu (plantes, homme, climat). Il convient d’abord d’analyser puis de modéliser la répartition spatiale des volumes pédologiques au sein de ces systèmes, puis d’élaborer des modèles déterministes rendant compte de leur fonctionnement. Concrètement, les études portent sur un petit nombre de sites ou de bassins versants élémentaires correspondant à des systèmes pédologiques modèles, qui font l’objet d’un suivi de leurs propriétés et de leurs fonctionnements (hydrique, structural, thermique). Cela est désormais possible grâce à l’implantation de différents dispositifs technologiques (plaques et cases lysimétriques, sondes à neutrons et capacitives, tensiomètres, simulateurs de pluies), et l’emploi de centrales de mesure.

Principaux processus pédogénétiques

Tous les facteurs qui président à la formation et à l’évolution des couvertures pédologiques (cf. supra , Facteurs de la pédogenèse ) y induisent une double différenciation: dans leur organisation verticale (horizonation ) et dans leur organisation latérale. La première correspond à la notion traditionnelle de profil et peut être observée ponctuellement dans une fosse ou lors d’un sondage avec une tarière. La seconde ne peut s’appréhender qu’en observant et en analysant les variations latérales. Cette démarche spatiale nécessite de très nombreuses observations, par exemple en étudiant finement les relations qui existent entre les différents solums qui se succèdent sur un versant (toposéquences ). L’importance relative de ces deux modes de différenciation dépend de l’orientation préférentielle (verticale ou oblique) des transferts d’eau, de solutés et de particules.

Pédogenèses climatique et stationnelle

L’étude des caractéristiques morphologiques et chimiques d’un solum permet au pédologue de discerner quels facteurs ont joué le rôle le plus déterminant dans sa formation. Soit que ces facteurs aient toujours primé sur les autres, soit que leur action se soit exercée sur une durée plus longue, soit encore que les traits majeurs hérités de leur action soient demeurés bien visibles.

C’est ainsi que, dans les régions du globe où le climat est à la fois bien tranché et stable depuis longtemps (100 000 ans, voire plusieurs millions d’années), les sols présentent partout de mêmes grandes organisations pédologiques. Ainsi, en région tropicale, un granite et un grès ont subi une altération et un appauvrissement très intenses; ils donnent tous deux naissance à un sol ferrallitique et ne se distinguent plus que par quelques caractères mineurs. Dans le nord de la Russie, sous climat subboréal, ces mêmes roches donnent naissance à des podzols . Dans les deux cas, on parle de sols zonaux pour rendre compte de cette zonalité pédologique calquée sur celle des bioclimats. Et les grands modes de pédogenèse qui leur correspondent sont appelés ici ferrallitisation et là podzolisation .

Sous climat tempéré humide, l’effet du bioclimat se traduit essentiellement par des altérations modérées et le rôle significatif des activités biologiques (Duchaufour). La plupart des caractères des sols sont imposés par la nature des matériaux originels ou par les conditions stationnelles liées au modelé et au pédoclimat.

Quelle que soit la zone bioclimatique où l’on se situe, certains matériaux ou situations topographiques peuvent présenter un caractère suffisamment extrême pour orienter entièrement l’évolution pédogénétique (tels les matériaux argileux smectitiques ou ceux très riches en sels, ou encore des sites marécageux soumis en permanence à des excès d’eau). On parle alors de pédogenèses stationnelles telles que vertisolisation , halomorphie ou hydromorphie .

Principaux processus des climats tempérés

Tous sont étroitement dépendants à la fois de la nature des roches mères et des conditions pédoclimatiques qui intègrent le climat, le régime hydrique et la végétation. Vont être évoqués les processus d’altération au sens large et ceux qui impliquent des redistributions de matière.

Les mécanismes de désagrégation physique doivent bien être distingués des mécanismes d’altération géochimique. Les premiers sont responsables du fractionnement du matériau initial sous l’effet de phénomènes tels que les cycles humectation/dessiccation et gel/dégel. Ce fractionnement peut aller jusqu’à une microdivision générant des fractions de plus en plus fines: sableuses, limoneuses et de la dimension des argiles (face=F0019 麗 2 猪m). Les seconds ont alors leur tâche facilitée par l’augmentation des surfaces accessibles aux agressions géochimiques de diverses substances acides, notamment d’origine organique.

L’action successive ou conjuguée de ces mécanismes provoque une première homogénéisation du matériau, faisant disparaître progressivement les structures lithologiques initiales au profit d’une structuration pédologique .

Le relais est pris très rapidement par les différentes activités biologiques: actions des champignons, de la microfaune, des micro-organismes, et action des racines des végétaux, conduisant à la surface des solums à des types de structuration dits pédobiologiques . Les matières organiques libèrent des composés humiques qui participent activement aux processus d’altération et forment, avec les éléments issus de l’altération, des complexes organo-minéraux.

Le processus de décarbonatation est très actif sous nos climats tempérés humides. Il débute en affectant les horizons supérieurs et dissout préférentiellement les particules les plus fines car les plus réactives (face=F0019 麗 50 猪m). Cette décarbonatation superficielle et la circulation d’eaux saturées en ions calcium entraînent souvent une accumulation de calcite secondaire en profondeur (ou latéralement si l’on est sur un versant). Cette accumulation prend divers aspects en fonction de son intensité et de la structure et de la porosité du matériau d’accueil: amas, pseudo-myceliums ou encroûtements plus ou moins indurés. Ces phénomènes d’encroûtements fréquents sous nos climats (Champagne crayeuse, Beauce, Bourgogne calcaire) peuvent être encore plus massifs dans les régions méditerranéennes où une saison sèche marquée provoque des surconcentrations des solutions du sol et où l’on observe ainsi de véritables dalles et croûtes calcaires.

Le processus de brunification (Duchaufour) correspond à une altération ménagée des minéraux primaires de la roche mère dans un milieu faiblement acide. Une partie des cations alcalins et alcalino-terreux libérés est éliminée dans les eaux de percolation, tandis qu’une libération modérée d’oxydes de fer intervient. L’association de ces oxydes avec la fraction argileuse et les matières organiques humifiées (formes d’humus de type mull) confère au sol une excellente structure très bien aérée qui favorise une intense activité biologique. La teinte brune caractéristique des horizons supérieurs justifie les appellations brunification et brunisols .

Les processus d’oxydoréduction correspondent à des excès d’eau temporaires. Ces derniers provoquent la réduction-mobilisation du fer en alternance avec des phases d’oxydation-immobilisation de ce même élément. La traduction morphologique de ce processus mainte fois répété est la ségrégation du fer . Certains volumes de couleur rouille ou noirs (taches, nodules) sont des sites d’accumulations tandis que d’autres (taches et traînées blanches) sont des sites de départ (horizons rédoxiques). Lorsque les excès d’eau sont permanents ou quasi permanents, le fer se maintient à l’état réduit. Les horizons affectés montrent des teintes gris verdâtres ou gris bleuâtres généralisées (horizons réductiques); le fer, rendu mobile, peut à la longue être entraîné hors de l’horizon. L’ensemble de ces manifestations morphologiques très apparentes résultant des excès d’eau sont nommées hydromorphie .

Sous l’effet des transferts d’eau au sein des couvertures pédologiques, et en fonction des conditions de milieu, un appauvrissement des couches superficielles en certains constituants peut intervenir, ces constituants étant soit éliminés hors des solums, soit allant fréquemment s’accumuler à des profondeurs variables. Il y a donc migration de constituants sous forme soluble (lixiviation ), sous forme colloïdale ou sous forme particulaire, aux dépens de structures de départ qui vont en s’appauvrissant, et accumulation dans des couches sous-jacentes jouant le rôle de structures d’accueil.

Le lessivage d’argile ou illuviation est un processus d’entraînement mécanique, par les eaux de gravité, des argiles fines et des hydroxydes de fer qui leur sont associés, depuis les horizons supérieurs (éluviaux : appauvris et décolorés) vers les horizons profonds (illuviaux : enrichis et plus colorés). Ces derniers sont caractérisés morphologiquement par la présence de revêtements argileux qui enrobent la majorité des agrégats structuraux et les parois de la macroporosité.

La podzolisation a une origine climatique dans les régions du globe où des températures basses sont un frein à la décomposition des matières organiques comme la zone boréale et les régions de hautes montagnes. Dans l’horizon de surface très humifère (forme d’humus de type mor), des acides organiques solubles et très complexants se forment en abondance. Ils provoquent la destruction des minéraux altérables et entraînent en profondeur, sous forme de complexes organo-minéraux, les éléments issus de cette destruction. Un horizon subsuperficiel éluvial se forme, prenant un aspect cendreux dans les cas les plus caractéristiques, tandis que des horizons plus profonds se distinguent par les teintes sombres (brune, noire et rouille) des complexes organo-minéraux qui y précipitent en se polymérisant. La podzolisation se manifeste également sous nos climats comme un processus stationnel car c’est alors la nature du matériau qui en est la cause. C’est le cas des sables quartzeux sédimentaires, pauvres chimiquement et très filtrants (Landes de Gascogne, forêt de Fontainebleau) et secondairement des roches cristallines les plus acides. Cet effet matériau se trouve le plus souvent renforcé par une pluviosité élevée ou par une végétation acidifiante de type lande à bruyères ou forêt de résineux.

Processus des milieux intertropicaux

La fersiallitisation est liée à des conditions climatiques à fort contraste saisonnier, méditerranéennes voire subtropicales. En milieu aéré et bien drainant, l’hydrolyse provoque une libération de fer importante. Les argiles qui se forment dans de telles conditions correspondent, tout comme en milieu tempéré, au processus de bisiallitisation. La déshydratation plus marquée que subit le fer en saison sèche est responsable de la couleur brun-rouge à rouge des sols. Les sols sont dits pour cela rubéfiés , et on les retrouve le plus souvent, en Europe, développés dans des matériaux calcaires dont la forte drainance favorise encore plus le phénomène.

La ferrallitisation est caractéristique des climats tropicaux suffisamment chauds et humides. Une altération extrême des minéraux primaires provoque la libération, indépendamment de celle du fer, des oxydes d’aluminium, pendant que la silice est entraînée à la base ou hors des solums. Suivant les cas, il y a dominance de kaolinite néoformée (monosiallitisation) ou bien ce sont les sesquioxydes d’aluminium qui deviennent dominants, sous forme de gibbsite (allitisation). On peut trouver bien entendu des cas intermédiaires, comme dans les sols ferrugineux tropicaux contenant de la kaolinite mais encore des minéraux 2/1. Les sols ferrallitiques sont des sols épais de plusieurs mètres où l’altération géochimique est très poussée et étalée sur des périodes de temps extrêmement longues (plusieurs millions d’années).

La vertisolisation s’observe dans des matériaux très argileux gonflants de type smectitique. Pour peu que les conditions saisonnières du climat soient suffisamment contrastées, les alternances d’expansion et de retrait des argiles induisent une dynamique structurale particulière caractérisée par de larges fentes de retrait en saison sèche et l’existence de faces structurales obliques et luisantes dues au glissement des agrégats les uns contre les autres. La surabondance de silice, magnésium et calcium dans ces milieux confinés à pH supérieur à 7 conduit à la néoformation d’argiles de type montmorillonite.

La salinisation correspond à un ensemble de processus liés à l’action du sodium, qui se présente soit sous forme dissoute dans des solutions salines conduisant à la formation de sols salés (salinisation proprement dite), soit sous forme échangeable avec saturation importante du complexe adsorbant (sodisation). Une désaturation partielle, sous l’effet des eaux douces de précipitations, conduit à une dégradation manifeste de la structure (alcalisation). Enfin, il faut citer les sols sulfatés acides ou sulfatosols , localisés sous nos climats à certains marais maritimes. L’oxydation des sulfures de fer y génère la présence de sulfates (jarosite) et une acidité extrême (pH inférieur à 3,5).

Dans de nombreuses situations, notamment en zones arides ou intertropicales, des concentrations importantes se produisent pour former des horizons d’accumulations fréquemment indurés pouvant couvrir des superficies considérables. Il peut s’agir de gypse ou de calcaire (encroûtements , croûtes , dalles compactes ), de silice (duripans ) ou de sesquioxydes de fer associés à l’aluminium et au manganèse (carapaces et cuirasses ).

Typologie des sols

Depuis la naissance de la pédologie, de nombreux systèmes de classification ont été imaginés, dans divers pays, tous calqués volontairement sur les classifications biologiques.

C’est pourquoi la plupart des systèmes de classification proposés dans le monde présentent une même structure en niveaux hiérarchisés, de type pyramidal. Les niveaux supérieurs sont définis par les processus de pédogenèse offrant le caractère de généralité le plus large; ils constituent une classification générale des sols ayant valeur de référentiel pour une communauté de pédologues. Parmi les systèmes à vocation mondiale, citons: la classification française C.P.C.S. (Commission de pédologie et de cartographie des sols, 1967), la Soil Taxonomy américaine (1975) et la légende F.A.O.-U.N.E.S.C.O. (1988). Les niveaux inférieurs rendent compte de particularités: ils constituent l’essentiel des classifications dites régionales où une plus grande liberté est donnée au pédologue pour adapter les critères de classement à une réalité locale.

Classification française (C.P.C.S., 1967)

Cette classification constitue un exemple caractéristique de classification hiérarchique traditionnelle. Résultat d’un premier compromis entre les différentes conceptions des pédologues français de l’époque, la classification française de 1967 a été immédiatement prise en compte puis utilisée depuis lors en France et dans certains pays francophones d’Afrique. Les pédologues français s’en servirent pour désigner ce qu’ils observaient sur le terrain et se rattacher à un langage commun. La carte pédologique de France à moyenne échelle, dont la réalisation normalisée débuta à la même époque, s’y réfère explicitement. Les unités cartographiques des cartes à 1: 100 000 y sont exprimées en référence aux groupes et sous-groupes de ce système.

Cette classification était morphogénétique , c’est-à-dire que les critères de différenciation des unités étaient surtout des caractères morphologiques, sélectionnés parce que exprimant des processus ou des conditions de la pédogenèse.

Dès sa publication, volontairement effectuée sous une forme provisoire, elle était destinée à être testée puis amendée. En effet, au cours des années, un certain nombre d’imperfections apparurent qui rendirent nécessaire son amélioration. Entre temps, les conceptions de l’école française évoluèrent tandis que les études pédologiques se multipliaient dans et hors de l’Hexagone. À la suite de longs travaux préliminaires, une rénovation complète a débuté en 1987 et a abouti à la publication en 1992 du nouveau système français.

Le référentiel pédologique (1992-1994)

Ce nouveau système consiste en trois ensembles: 1) une liste d’horizons de référence (horizons d’interprétation) dont il est fourni une définition et une caractérisation précises; 2) une collection de références définies par des superpositions d’horizons et par d’éventuels «macro-caractères» affectant plusieurs horizons superposés. Pour l’établissement de ces références, il a été tenu compte le plus possible des propriétés et fonctionnements physico-chimique, hydrique et structural; 3) une liste de termes (adjectifs, préfixes, périphrases) définis avec précision, qui, ajoutés au nom de la référence, permettent de fournir nombre d’informations supplémentaires, les qualificatifs .

Chaque solum étudié, chaque unité typologique ou chaque unité cartographique peut ainsi être rattaché à une ou plusieurs catégories du référentiel. Ce système constitue donc un langage unifié et univoque qui permet à tous les pédologues d’échanger des informations sans ambiguïté. À l’aide d’un glossaire de plus de deux cents qualificatifs, il est possible de transmettre des informations relatives à des horizons, des solums ou des systèmes pédologiques.

On notera enfin que le référentiel pédologique n’est pas une classification hiérarchisée mais une typologie qui ne comporte que deux catégories: des références subdivisées en types et regroupées, à des fins didactiques, en grands ensembles de références (G.E.R.).

Principaux types de sols

Alocrisols : solums le plus souvent forestiers, très acides, dominés par l’aluminium échangeable et présentant de ce fait une structure microgrumeleuse bien aérée (anciens sols bruns acides).

Andosols : solums développés le plus souvent à partir de matériaux volcaniques (pyroclastites, laves) caractérisés par la dominance de minéraux paracristallins (allophane, imogolite) ou par des complexes humus-sesquioxydes de fer et d’aluminium relativement immobiles. Ces produits résultent de deux processus d’altération biochimique différents: l’hydrolyse et la complexation organique. Les andosols présentent des couleurs noires et des propriétés très particulières telles qu’un bon drainage naturel malgré une très forte rétention de l’eau et une forte capacité de rétention du phosphore pouvant poser un difficile problème de fertilisation.

Brunisols : solums de climats tempérés caractérisés par une altération ménagée des minéraux primaires et par une libération modérée d’oxydes de fer. Il en résulte des matériaux présentant une forte porosité et une bonne aération, ce qui favorise une intense activité biologique. Sous forêt, un horizon A à structure construite d’origine biologique (biomacrostructuré) est situé au-dessus d’un horizon structural non calcaire à structure très bien développée et à forte macroporosité fissurale et biologique. Le solum ne montre pas de différenciation texturale.

Solums carbonatés et saturés : tous sont caractérisés par une ambiance physico-chimique dominée par les ions Ca++ et/ou Mg++, soit que les solums soient carbonatés, soit que leur complexe d’échange soit complètement saturé par ces deux cations. Les rendosols sont calcaires et peu épais (rendzines); les calcosols sont calcaires et présentent une nette différenciation en horizons (sols bruns calcaires); les dolomitosols sont formés essentiellement de dolomite; les rendisols sont minces et saturés en calcium; les calcisols restent également saturés en calcium mais présentent une nette différenciation en horizons (sols bruns calciques); dans les magnésisols , le cation magnésium domine le calcium; les calcarisols présentent des accumulations indurées de calcaire secondaire (encroûtement, croûte ou dalle) à moins de 25 cm de profondeur.

Chernosols : solums caractérisés par l’existence d’épais horizons de surface très humifères noirs, à structure très fine, et par une très forte activité biologique de la méso et de la macrofaune (vers de terre et petits rongeurs). Cette activité s’exprime dans les horizons supérieurs par une grande abondance de chenaux et de petites déjections ovoïdes (coprolithes). En profondeur, on observe des terriers remplis de matériaux humifères noirs provenant de la surface (crotovinas). Formés à partir de matériaux calcaires fins sous des climats continentaux assez rudes et une végétation naturelle steppique ou sylvo-steppique, les chernosols présentent en outre une décroissance lente des teneurs en matières organiques avec la profondeur (caractère clino-humique).

Fersialsols : solums situés le plus souvent en climat méditerranéen et en milieu tropical à saison sèche marquée; une hydrolyse ménagée y provoque une nette argilification par héritage et aussi par néoformation. Cette altération s’accompagne d’une forte libération du fer qui s’associe étroitement aux minéraux argileux. Le lessivage mécanique de l’argile associée au fer est fréquent. Il s’agit de solums fortement évolués et différenciés, caractérisés par une structure anguleuse et stable et par des couleurs rouges assez vives.

Fluviosols : solums non ou peu évolués qui occupent toujours une position de fonds de vallées (lits mineur et majeur des rivières à l’exclusion des terrasses). Ils sont développés dans des matériaux récents souvent hétérogènes, les alluvions fluviatiles, et sont marqués par la présence d’une nappe alluviale permanente ou temporaire à fortes oscillations. Ils sont inondables en période de crue.

Gypsosols : solums des zones arides et semi-arides (précipitations annuelles inférieures à 300 mm) caractérisés par des accumulations de gypse secondaire dans l’horizon de surface.

Histosols : solums constitués d’horizons holorganiques H, formés en milieu saturé par l’eau durant des périodes prolongées et composés principalement à partir de débris de végétaux hygrophiles ou subaquatiques peu ou non décomposés.

Luvisols : solums dont la nette différenciation morphologique résulte du processus d’illuviation d’argile avec accumulation au sein du solum. Des horizons supérieurs appauvris en argile et en fer, moins colorés, moins bien structurés, généralement assez perméables (horizons E) contrastent avec des horizons plus profonds, enrichis en argile et en fer, à structure bien développée polyédrique ou prismatique, plus colorés, moins perméables (horizons BT) [anciens sols bruns lessivés et sols lessivés].

Pélosols : solums argileux mais présentant également une très faible évolution géochimique des minéraux argileux résultant d’un héritage direct à partir de sédiments argileux marins ou lagunaires et un comportement structural particulier, défavorable à l’agriculture. Les pélosols couvrent de vastes surfaces en Lorraine.

Phaeosols : ces sols sont décrits dans une zone climatique de transition entre la zone des chernosols et celle des luvisols (Amérique du Nord et du Sud, Roumanie, Bulgarie). Ils se sont formés sous des climats assez humides et doux à saisons contrastées, sous des végétations naturelles herbeuses (pampas, prairie). Les processus d’altération des minéraux et de lessivage des cations sont plus poussés que dans le cas des chernosols mais sans atteindre un stade de véritable désaturation. Ils sont caractérisés par des couleurs sombres en surface dues à de fortes teneurs en matières organiques et par une forte activité biologique.

Planosols : solums montrant une morphologie très différenciée, étroitement liée à leur type particulier de fonctionnement hydrique. Des processus pédogénétiques très divers, intervenant sous des climats variés, engendrent des horizons supérieurs perméables, appauvris en argile et en fer, siège d’excès d’eau saisonniers (horizons Eg). Plus en profondeur, on passe brusquement et selon une limite horizontale à des horizons en général beaucoup plus argileux, dont la perméabilité est très faible (plancher ). Le fonctionnement hydrique est caractérisé par des engorgements saisonniers, intenses mais parfois fugaces, par des nappes perchées superficielles temporaires qui circulent rapidement et s’évacuent latéralement au contact du plancher.

Podzosols : solums où la podzolisation est jugée dominante. Ce phénomène implique d’une part un processus biogéochimique d’altération dit acido-complexolyse , défini comme une attaque des minéraux primaires par des solutions contenant des composés organiques acides et complexants. Cette attaque a pour effet l’élimination de l’aluminium, du fer et des autres cations. Il se forme à faible profondeur un horizon résiduel, essentiellement quartzeux (horizon E). Intervient, d’autre part, un processus de migration des constituants organiques et des complexes organo-minéraux d’aluminium et/ou de fer suivi de leur immobilisation, qui conduit à la formation d’un horizon d’accumulation podzolique (horizon BP).

Rédoxisols : solums pour lesquels les processus d’oxydo-réduction sont jugés prédominants voire uniques sur toute leur épaisseur. Le fonctionnement de ces solums est dominé par l’existence de saturations temporaires par l’eau, plus ou moins prolongées. Ils ne présentent pas d’autres processus pédogénétiques clairement exprimés.

Réductisols : solums dont la morphologie et le fonctionnement sont dominés par l’existence de saturations permanentes ou quasi permanentes par l’eau, dès la surface ou à faible profondeur. L’anoxie constitue dans ces solums une contrainte majeure contrariant le développement végétatif des plantes non adaptées à ce type de milieu. Les processus de réduction et de mobilisation du fer dominent, d’où des teintes uniformément gris verdâtres ou gris bleuâtres.

Salisols : solums caractérisés par une accumulation marquée de sels plus solubles que le gypse (chlorures, sulfates, bicarbonates, carbonates ou nitrates – le cation le plus fréquent étant le sodium). Selon le type anionique de salure, on distingue les salisols chloruro-sulfatés et les salisols carbonatés. Ces solums se situent souvent dans des terres basses sous influence maritime (nappe salée et/ou embruns), mais on les rencontre aussi dans des milieux continentaux, sous climats arides ou semi-arides.

Sodisols : solums caractérisés par l’abondance du sodium échangeable sur le complexe d’échange (plus de 15 p. 100 de la somme des cations échangeables), ce qui entraîne une structure grossière, dégradée et compacte, à faible porosité intra-agrégats. On distingue: les sodisols indifférenciés dans lesquels il n’y a pas de migration verticale d’argile; les sodisols solonetziques (lessivés), où se manifestent dans les horizons de surface une certaine désaturation en sodium du complexe d’échange et une éluviation d’argile; les sodisols solodisés (dégradés), dans lesquels une désaturation complète du complexe adsorbant dans les horizons supérieurs provoque un abaissement du pH jusqu’à des valeurs inférieures à 5. Une dégradation des minéraux argileux se manifeste sous forme d’un blanchiment de l’horizon éluvial et du sommet des agrégats prismatiques de l’horizon inférieur argileux.

Thiosols et sulfatosols : ces solums sont typiques des estuaires et deltas des régions tropicales soumis à l’action de la marée et généralement couverts d’une formation végétale spécifique – la mangrove à palétuviers. Il en existe aussi dans les zones deltaïques ou marécageuses des régions tempérées. Leur pédogenèse est dominée par le soufre présent sous forme de pyrite. Les thiosols sont continuellement saturés en eau salée ou saumâtre, ils contiennent une bonne quantité de soufre sous forme de sulfures. Après assèchement naturel ou drainage artificiel, les sulfures s’oxydent et produisent de l’acide sulfurique (sulfatosols). Le pH peut s’abaisser au-dessous de 2, et il se forme des sulfates de fer (jarosite ) et d’aluminium.

Vertisols : solums argileux riches en argiles gonflantes qui, suivant les saisons alternativement sèches puis humides, se gonflent puis se rétractent fortement, d’où des contraintes agronomiques et des propriétés géotechniques spécifiques. En périodes humides, le gonflement non isotrope de la masse argileuse crée des pressions et des mouvements internes responsables de faces de glissements et de la réhomogénéisation perpétuelle des solums. En surface apparaît souvent une alternance de micromonticules et de microdépressions. En périodes de dessèchement se forment de larges et profondes fentes de retrait et se manifeste une organisation structurale grossière et anguleuse très fortement exprimée: la structure en coins (sphénoïde). En certaines situations climatiques et topographiques (positions basses, drainage naturel limité), il y a néoformation d’argiles gonflantes (topovertisols).

Sols ferrugineux tropicaux : l’horizon ferrugineux se caractérise par une concentration en hydroxydes de fer, associé à de faibles quantités de Mn et de Ti. Il s’agit principalement d’une accumulation relative résultant de la dissolution ou de la transformation de minéraux primaires altérables et de l’élimination des minéraux secondaires argileux (kaolinite), entraînés par l’eau des nappes temporaires qui se forment en saison pluvieuse. Une accumulation absolue de fer peut venir s’ajouter à l’accumulation relative. Cet horizon est observé au sein des couvertures pédologiques de l’Afrique tropicale subsaharienne sous des climats où les précipitations moyennes annuelles varient de 600 à 1 400 mm, une seule saison pluvieuse alternant avec une saison sèche de cinq à huit mois consécutifs.

Ferralsols : ayant pu agir sur des durées très longues sous des climats très agressifs, l’altération est très intense. Elle réalise une destruction complète des minéraux primaires accompagnée d’une lixiviation des cations alcalins et alcalino-terreux et de la silice. L’altération ferrallitique aboutit à une constitution spécifique associant trois groupes de composés bien cristallisés: des minéraux argileux 1/1 (kaolinite, halloysite); des oxydes et hydroxydes métalliques (surtout fer, mais aussi Al, Cr, Co, Ni); de la silice et du quartz résiduels ou de recristallisation. Selon les proportions relatives de minéraux argileux et d’oxy-hydroxydes métalliques, on distingue deux principaux horizons de référence : l’horizon ferrallitique et l’horizon oxydique .

Analyse spatiale des couvertures pédologiques

Les divers utilisateurs de l’espace rural ont besoin que le pédologue cartographe procède à des délimitations de sous-ensembles territoriaux à comportement homogène pour lesquels un mode de gestion unique puisse être appliqué (utilisation du sol, aménagements, itinéraire technique).

Pour ce faire, son travail consiste à analyser l’organisation spatiale des couvertures pédologiques, à comprendre les lois de répartition des sols et à définir des sous-ensembles spatiaux qui seront délimités sur un fond de carte et dont le contenu sera défini par un certain nombre de caractères descriptifs et de propriétés. Ensuite, il faut rendre compte graphiquement des variations observées et transmettre cette information. La représentation graphique classique de la répartition des sols est traditionnellement une carte présentant des plages cartographiques juxtaposées. Une carte pédologique reste cependant toujours un modèle simplifié de l’organisation spatiale des couvertures pédologiques.

La démarche de l’analyse spatiale s’opère en plusieurs grandes étapes: une étude préliminaire et de reconnaissance; le recueil sur le terrain des données pédologiques et relatives aux autres éléments du milieu naturel; enfin, l’organisation structurée et la représentation graphique des connaissances acquises.

Recueil des données sur le terrain

Il en existe de deux types: l’un, systématique, fondé sur un maillage strictement respecté ou servant de base pour maintenir une densité d’observations suffisantes; l’autre, beaucoup plus libre, où la localisation des points d’observations est laissée à l’appréciation du cartographe en fonction du milieu naturel où il travaille et des informations qu’il vient de recueillir. Dans le second cas, il est indispensable de suivre une stratégie d’observation correspondant aux différents niveaux d’organisation emboîtés et de sélectionner des «aires-échantillons» et des toposéquences dont l’étude détaillée fournira des résultats généralisables à des zones plus vastes.

Différentes approches peuvent être adoptées en fonction des objets que l’on veut privilégier (horizons, solums, systèmes pédologiques) et des objectifs poursuivis: soit purement scientifiques, soit plus appliqués, c’est-à-dire destinés à résoudre un problème précis. Au cours de cette étape, l’objectif est de rassembler un maximum d’informations pour comprendre les organisations spatiales et leurs fonctionnements à court ou à long terme (pédogenèse). L’approche dénommée analyse structurale constitue un exemple intéressant de ce type de démarche. Elle favorise la compréhension des organisations spatiales à l’échelle décamétrique et insiste sur l’étude des relations géométriques entre volumes et sur l’importance de certaines interfaces. Une cartographie «par horizons» constitue également une approche très analytique dans le même esprit.

La généralisation des aires-échantillons à l’ensemble de la zone à inventorier nécessite une extrapolation aux unités paysagiques considérées comme analogues, la validité de cette extrapolation étant vérifiée par une prospection allégée. La télédétection (photos aériennes, images satellitaires) est souvent utilisée pour aider à cette généralisation sur de grandes surfaces des résultats d’études assez localisées. Elle permet en outre de comparer des images correspondant à des dates successives.

Traitement des données

Comment peut-on, à partir des informations recueillies ponctuellement et de la compréhension acquise des organisations, structurer logiquement ces connaissances puis procéder à un découpage raisonné des couvertures pédologiques dont on sait que ce sont des continuums ?

Les couvertures pédologiques peuvent être subdivisées en deux types de sous-ensembles spatiaux: en volumes homogènes (les horizons); ou en volumes hétérogènes (les unités cartographiques), correspondant à un découpage territorial.

Nous avons vu (cf. supra , Nouveaux concepts ) que les horizons sont des volumes, des sous-ensembles des couvertures pédologiques, que l’on peut facilement appréhender sur le terrain et qui nous servent d’unités élémentaires d’échantillonnage et de modélisation.

Les connaissances recueillies peuvent être modélisées et exprimées sous la forme de coupes ou de blocs diagrammes. Finalement, la compréhension d’un milieu pourra être traduite dans un modèle d’organisation spatiale (M.O.S.) rassemblant l’ensemble des lois déterministes ou statistiques de la distribution spatiale des volumes pédologiques. Un tel modèle ne sera pas toujours formalisé sous la forme d’une carte, il pourra être une fonction statistique ou un ensemble logique de déductions.

Unités typologiques et unités cartographiques

Les couvertures pédologiques présentent des différences d’un point à un autre. Les différents types de sols (ou unités typologiques ) sont définis avec un plus ou moins grand degré de détail à partir de toute la population des observations faites sur le terrain. Cette définition prend en compte tous les horizons superposés et, pour chaque horizon, toute une série de caractères élémentaires (texture, structure, teneurs en calcaire ou en carbone, cailloux, épaisseur, etc.). La définition d’une unité typologique résulte donc d’une action de classification (au sens statistique du terme), que cette classification soit opérée par démarche d’expert ou à l’aide de traitements informatisés.

Le cartographe tente de présenter la répartition spatiale de chaque unité typologique sur un fond de carte. Il souhaiterait pouvoir délimiter des unités cartographiques «pures», c’est-à-dire correspondant chacune à une seule unité typologique. Malheureusement, il est souvent contraint de présenter sur sa carte des unités cartographiques complexes rassemblant plusieurs types de solums différents (notions d’associations, de séquences, de chaînes, de juxtapositions ). Souvent, il y est contraint à cause de la trop petite échelle de publication de sa carte (contrainte graphique): il ne peut pas représenter séparément des unités spatiales qu’il aurait pu représenter à une échelle de publication plus grande. Souvent aussi, il est contraint à recourir à ces unités complexes par suite de la trop faible densité d’information dont il dispose par rapport à la complexité du milieu étudié.

Une unité cartographique n’a donc d’existence que dans le cadre précis d’une représentation d’une couverture pédologique sous la forme d’une carte avec une échelle donnée. Tandis qu’une unité typologique est une catégorie conceptuelle définie dans le domaine où le sol est considéré en lui-même, sans aucune référence à une localisation précise ni à une extension spatiale. Les unités typologiques peuvent être désignées par des périphrases descriptives (par exemple, les sols limoneux épais, colluviaux, rédoxiques en profondeur), mais le plus souvent elles sont explicitement rattachées à des classifications ou à des référentiels (colluviosols limoneux, rédoxiques).

Transmission de l’information

Une carte traditionnelle jouait en pratique deux rôles complémentaires: un rôle de mémorisation de l’information et un rôle de transmission vers un lecteur potentiel. Mais il était difficile de vouloir à la fois tout conserver et tout transmettre.

C’est pourquoi le message graphique que constituait la «carte papier» était classiquement complété dans les notices explicatives par de nombreuses autres informations telles que la succession et l’épaisseur des horizons, les données analytiques relatives à ces horizons, les illustrations qui explicitaient ce qui ne pouvait figurer sur la carte elle-même: l’organisation des sols et des horizons le long d’un versant (toposéquences ), ou bien la répartition selon trois dimensions au sein des paysages (blocs-diagrammes ). Des schémas montraient comment des phénomènes continus et progressifs sont artificiellement tronçonnés par le modèle cartographique en éléments discrets, par exemple un versant découpé en unités cartographiques.

La carte papier ainsi construite et publiée demeurait un schéma statique de la nature et de la répartition des différents types de sols. En outre, les diverses options prises pour construire cette carte se trouvaient méconnues du lecteur et définitivement figées.

De nombreux problèmes relatifs aux couvertures pédologiques nécessitent de prendre en compte des aspects dynamiques et fonctionnels (ruissellement superficiel, écoulements des eaux vers les aquifères, pollution par les nitrates). Aussi commence à se faire jour la notion d’unité de fonctionnement , fragments de paysage dont on connaît la structure en termes d’organisation et de fonctionnement et qui peuvent regrouper plusieurs unités typologiques et même plusieurs unités cartographiques.

Ainsi, la structure logique emboîtée – horizon / unité typologique / unité cartographique / unité de fonctionnement – est la base de l’analyse spatiale morphologique et fonctionnelle des couvertures pédologiques. Les bases de données pédologiques informatisées et les systèmes d’information géographique (S.I.G.) sont adaptés à cette structure.

Depuis quelques années, en effet, les techniques informatiques ont bouleversé non seulement nos possibilités d’expression cartographiques, mais aussi notre conception même de la gestion des données pédologiques. Les très nombreuses informations recueillies sur le terrain pour la «cartographie des sols» n’ont plus besoin d’être publiées sous la forme d’une carte pédologique. Il suffit d’établir, puis de mettre à jour régulièrement, une base de données dont on peut tirer, à chaque fois que nécessaire, les informations présentées sous une forme graphique à n’importe quelle échelle.

Les S.IG. présentent en effet des avantages précieux, car ils sont capables à la fois de mémoriser la totalité de l’information disponible et de faciliter l’accès aux informations utiles: ils contiennent non seulement une base de données, mais aussi une base de connaissances; les possibilités de description des organisations spatiales sont beaucoup plus larges; les modèles peuvent évoluer avec les progrès des connaissances générales et les données être régulièrement et aisément mises à jour; il n’y a plus de contrainte graphique lors de l’élaboration d’un M.O.S.; les changements d’échelle sont aisés, mais continue de se poser le problème de la densité et de la fiabilité des données de base; des restitutions sur des thèmes appliqués («cartes thématiques») sont réalisables rapidement.

Jusqu’alors, les documents cartographiques élaborés présentaient certes un grand nombre d’informations, mais étaient difficiles à croiser avec d’autres données spatialisées. Grâce aux S.I.G., il est désormais possible de croiser des données pédologiques avec d’autres données spatialisées (géomorphologie, télédétection spatiale, climat, socio-économie). Enfin, à l’aide de modèles de fonctionnement (hydrologiques, croissance de telle plante), on peut procéder à des simulations selon divers scénarios.

Utilisation des données spatialisées

L’inventaire spatial des sols a, par lui-même, un grand intérêt scientifique et il fournit des connaissances de base indispensables à de nombreux programmes de recherches. Cependant, la justification essentielle de ces travaux est de participer à la solution des problèmes d’aménagement du territoire en milieu rural. En effet, l’espace rural est investi par l’homme de fonctions diverses. Il est le support d’un certain nombre d’utilisations (activités agricoles ou non) et il doit en même temps être convenablement géré et ses fonctions soigneusement maintenues. La connaissance spatialisée des sols se révèle utile, voire indispensable, comme information de base préalable à toute une série d’interventions humaines (aménagements, gestion, protection).

Dans ce cadre, les sols sont pris en compte en temps que facteurs de la production végétale (agriculture, sylviculture) ou considérés comme des filtres (qualité des eaux) ou des systèmes épurateurs (élimination de certains déchets). Naturellement, les documents cartographiques doivent être fournis à des échelles graphiques adaptées au thème abordé et au territoire où le problème se pose (exploitation, commune, canton, département, région, pays entier). Citons:

– choix des grandes options régionales, par exemple répartition optimale des espaces entre urbanisation, agriculture, espaces verts, réserves naturelles, etc.;

– optimisation de l’agriculture (cartes d’aptitudes des sols à telle ou telle production, ces cartes se référant souvent à un groupe de cultures pris globalement);

– mise en valeur de terres pas ou peu exploitées (besoins en drainage agricole; aptitude à l’irrigation et/ou à l’assainissement et indication des techniques à appliquer; choix des essences forestières pour les reboisements; remembrements);

– protection de notre environnement rural (sols et eaux) face à des pratiques agricoles incorrectes ou excessives et à divers épandages de déchets industriels ou urbains, les principaux risques de dégradation physique des sols étant le ruissellement et l’érosion hydrique consécutifs à la battance, les compactages dus à une mécanisation intensive; les pollutions des sols ou des eaux qui les traversent sont également à l’ordre du jour (métaux lourds potentiellement toxiques, tels Pb, Cu, Zn, Cd, sur les terrains agricoles et périurbains; transfert des nitrates et des pesticides jusqu’aux aquifères, etc.).

Les propriétés physiques et chimiques ainsi que l’organisation des couvertures pédologiques jouant un très grand rôle sur tous ces thèmes, des documents cartographiques peuvent être élaborés à partir des cartes pédologiques de base, exprimées le plus souvent en termes de risques.

Selon les lieux, l’épaisseur des couvertures pédologiques n’est que de quelques décimètres à quelques mètres au plus. Ce ne sont donc que de fines pellicules, le fragile épiderme de l’écorce terrestre, dont l’importance pour le monde vivant et pour l’homme s’avère pourtant vitale.

À l’échelle des temps géologiques, les sols que nous observons sont le résultat du bilan pédogenèse-érosion sur des millions d’années. Mais, à l’échelle humaine de temps, les couvertures pédologiques ne sont pas des ressources renouvelables.

Aujourd’hui, deux grandes catégories de périls les menacent dans leurs fonctions de production alimentaire comme dans leur rôle d’écosystèmes. D’une part, ce que l’on peut appeler des dégradations plus ou moins réversibles: tassement et perte d’une partie de leur porosité, diminution des teneurs en matières organiques et affaiblissement corrélatif de leur stabilité structurale, salinisation par des eaux d’irrigation trop riches en sels, épuisement chimique, acidification et phytotoxicité aluminique, appauvrissement des microflores, pollutions diverses.

D’autre part, il y a ce que l’on peut regrouper dans la rubrique des destructions : consommation définitive des sols (souvent les plus fertiles) pour l’accroissement des surfaces urbanisées, pour des implantations industrielles ou pour augmenter les capacités de transport, et surtout l’érosion des sols cultivés, c’est-à-dire l’entraînement latéral par l’eau ou par le vent des horizons superficiels, les plus riches en matières organiques et en éléments nutritifs associés.

Aujourd’hui, comme le souligne A. Ruellan, l’érosion des couvertures pédologiques va plus vite que leur formation naturelle. Des spécialistes annoncent qu’au niveau mondial nous perdons chaque année 0,7 p.100 de notre capital. À ce rythme, comment peut-on imaginer nourrir 12 milliards d’humains dans un siècle? Cette destruction des sols met en danger leurs potentialités alimentaires actuelles et futures dont les sociétés humaines ont absolument besoin. Elle porte aussi atteinte à la diversité biologique du globe et au cycle et à la qualité des eaux douces et marines. Or ces destructions sont pour beaucoup la conséquence de l’ignorance par le grand public et les décideurs de ce que sont les sols et leurs fonctions.

Les sols restent des éléments de notre patrimoine encore trop méconnus. Il est urgent que tous apprennent à les découvrir et à les protéger, comme on commence à le faire pour les oiseaux ou les baleines. Il est temps que les sociétés humaines modernes établissent une relation intelligente avec leurs sols, ressources fragiles sans lesquelles elles ne survivront pas.

1. pédologie [ pedɔlɔʒi ] n. f.
• v. 1900; de 1. pédo- et -logie
Didact. Étude physiologique et psychologique de l'enfant. Pédologie et pédiatrie. — On trouve parfois paidologie [ pɛdɔlɔʒi ] (pour distinguer le mot de 2. pédologie). pédologie 2. pédologie [ pedɔlɔʒi ] n. f.
• 1899; de 2. pédo- et -logie
Branche de la géologie appliquée qui étudie les caractères chimiques, physiques et biologiques, l'évolution ( pédogenèse) et la répartition des sols. Adj. PÉDOLOGIQUE .

pédologie nom féminin Étude scientifique des sols. ● pédologie (synonymes) nom féminin Étude scientifique des sols.
Synonymes :
- édaphologie
paidologie ou pédologie nom féminin (grec pais, paidos, enfant) Pédagogie de l'enfant.

pédologie ou paidologie
n. f. Didac. étude psychologique et physiologique de l'enfant.
————————
pédologie
n. f. Didac. Branche des sciences de la Terre qui étudie les caractères chimiques, physiques et biologiques des sols.

⇒PÉDOLOGIE, subst. fém.
Science qui étudie les sols. La pédologie (...) a permis (...) de distinguer en Westphalie plusieurs générations de talus de clôture, les uns antérieurs, d'autres postérieurs à l'usage de la fumure des terres par déchets végétaux (MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p.10). La description des microflores des eaux, de l'air et surtout des sols, eut un grand intérêt en pédologie (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.623).
Pédologie biologique. En créant ce laboratoire propre à Nancy (...), le C.N.R.S. a voulu répondre aux exigences d'une science nouvelle, la pédologie biologique, à la frontière des sciences de la terre (minéralogie, géochimie et géomorphologie), et des sciences de la vie (écologie végétale, microbiologie et biochimie). Son objet est le sol, milieu vivant complexe, fonctionnant sous le flux de l'énergie solaire, que les végétaux supérieurs transforment et incorporent au milieu naturel sous forme de matière organique (Le C.N.R.S en Champagne-Lorraine, Paris, C.N.R.S., 1980, p.50).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1899 (N. SIBIRTZEW, Étude des sols de la Russie ds Congrès géol. internat., cr. de la VIIe Session, St Pétersbourg, 1897, p.74). Comp.de pédo-2 et de -logie. Cf. l'all. Pedologie (1862, F. A. FALLOU, Pedologie [titre]) et le russe pedologiya (1898, NED Suppl.2).
DÉR. Pédologique, adj. Qui appartient à la pédologie, qui lui est relatif. Analyse, études, recherches pédologiques. Dans la mesure des possibilités de l'agriculture et des conditions pédologiques, la potasse joua (...) le rôle d'un engrais de remplacement (...) au détriment surtout des engrais phosphatés (Industr. fr. engrais chim., 1956, p.7). La direction et la répartition des racines de l'arbre fruitier sont très fortement influencées par le type de sol dans lequel elles croissent. Il existe ainsi une relation d'une importance fondamentale entre le profil pédologique et la productivité des vergers (BOULAY, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.55). []. 1re attest. 1889 cartes pédologiques (S. MEUNIER, Progrès de la cartographie agronomique ds La Nature, 2e semestre, p.399 et 400); de pédologie, suff. -ique.

1. pédologie [pedɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. V. 1900; de 1. pédo-, et -logie.
Didact. Étude physiologique et psychologique de l'enfant. || Pédologie et pédiatrie.REM. On a écrit paidologie pour distinguer le mot de 2. pédologie.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
————————
2. pédologie [pedɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. Fin XIXe; de 2. pédo-, et -logie.
Sc. Branche de la géologie appliquée qui étudie les caractères chimiques, physiques et biologiques, l'évolution ( 2. Pédogenèse) et la répartition des sols. Syn. (rare) : édaphologie (du grec edaphos « sol »). || Applications de la pédologie à l'agriculture ( Agrologie; agropédologie).
DÉR. Pédologique, pédologue.
COMP. Agropédologie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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